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Le Prieuré de Serrabone

Le patrimoine de Boule d'Amont est assez riche pour un village relativement petit. Sa pièce maîtresse est de loin le fameux Prieuré de Serrabone, un prieuré datant du XIe siècle par des moines respectant la règle de St Augustin. Spendide édifice en schiste, il est surtout connu pour sa magnifique tribune en marbre rose, une tribune sculptée de nombreuses figures religieuses. Mais le prieuré lui-même est déjà intéressant, avec par exemple sa galerie-cloître avec colonnades dont les chapiteaux rappellent ceux de l'abbaye St Michel de Cuxa.


Situation et accès

A partir du village, un chemin pedestre est indiqué jusqu'au Prieuré. 

Le prieuré de Serrabone est dans un site isolé de Boule d'Amont. Pour s'y rendre par la route, il faut prendre la RN116 en direction de la Cerdagne et la quitter vers Bouleternère. Traversez le village et poursuivez la route vers Boule d'Amont, le prieuré est bien indiqué. La route grimpe sur la colline avant d'arriver sur un petit plateau herbeux où s'y dresse le prieuré.

Coordonnées GPS : 42.60150273 N, 2.59505986 E.


De quoi s'agit-il ?

Le mot Serrabone provient de l'expression catalane "Serra Bone", signifiant "la Bonne Colline". Il est associé à un prieuré perdu dans les Aspres, sur le territoire de Bouleternère.

C'est un très bel édifice, relativement petit, mais à l'architecture classique des constructions du XIe siècle. Il est fait en pierres de schistes à l'appareillage précis. Extérieurement il montre un ensemble de plusieurs bâtiments accolés dont le principal est l'église, un bel édifice régulier à nef unique. Son clocher est particulièrement massif. Positionné à côté de l'église il forme un bâtiment extérieur à lui seul.

A l'intérieur le visiteur va découvrir deux pièces d'architecture majeure. Ce sont même les raisons pour lesquels on monte ici : D'une part, le cloître, d'autre part la tribune en marbre.

Le cloître ne possède qu'une travée, il ne fait pas le tour d'un jardin, comme souvent. C'est la configuration des lieux qui veut ça. Les arcades sont des magnifiques ouvertures encadrées par des piliers de forme cylindrique. Mais la vraie particularité de ce cloître, c'est la qualité des sculptures des chapiteaux. Magnifiques, ils ont l'avantage d'avoir été bien conservés et proposent à la vue des animaux fantastiques ou des végétaux.

La tribune, elle, est une superbe pièce de mobilier tout en marbre rose de Villefranche. Elle est large et longue, dotée de 3 arches de large sur 3 de long. Les sculptures de la façade sont de grande qualité. Chaque chapiteau est parfaitement sculpté. Ce qui marque le plus ici c'est le nombre et la qualité des sculptures sur marbre concentrées en un si petit lieu.


Visites

Le prieuré de Serrabone se visite. Consultez le site Internet officiel pour les horaires, dates de fermeture, et tarifs.


Plan du prieuré (Voir Photo)

Légende

en noir : Eglise initiale du XIe siècle
en bleu : Agrandissement du XIIe siècle
en vert : Maçonnerie tardive
La tribune est représentée au centre de la nef.

Note : L'échelle est exprimée en mètre.


Quelques dimensions

Voici enfin quelques dimensions pour l'église de Serrabone :

Longueur totale dans œuvre : 24 m 50.
Longueur de la nef : 22 m.
Largeur de la nef, dans la partie orientale : 5 m 13.
dans la partie occidentale : 5 m 60.
Hauteur de la nef : 10 m 70.
Longueur du transept : 14 m 70
Largeur du transept : 4 m 60
Longueur du collatéral Nord : 13 m 80.
Largeur du collatéral Nord : 3 m 20.
Longueur de la galerie Sud : 15 m 80.
Largeur de la galerie Sud : 3 m 50.
Hauteur du collatéral Nord : 5 m 40.
Diamètre de l'abside : 4 m 60.
Diamètre des absidioles : 2 m 30.
Epaisseur des murs de la nef : 1 m 50
Longueur de la façade de la tribune : 5 m 60.
Profondeur de la tribune : 4 m 80.


Histoire

L'origine de Serrabone se trouve au tournant du premier millénaire. Un peu avant l'établissement du prieuré, une petite église est citée, c'était à l'époque un lieu de pèlerinage. Puis en 1052 Pierre Bernard fonde le prieuré avec 15 autres moines autour de cette église à la demande du vicomte de Cerdagne. Il s'agissait d'une communauté augustine qui obtint en 1082 la reconnaissance de la règle canoniale. La chapelle du prieuré fut consacrée une première fois à une date inconnue.

Puis durant le XIIe siècle elle fut profondément modifiée : la nef principale, initialement unique, fut complétée au Nord par une nef collatérale voûtée. Au midi fut construite une galerie voûtée. Ces travaux permirent de faire une seconde consécration en 1151, consécration faite par l'évêque d'Elne Artal II et celui de la Seu d'Urgell. L'église prit alors le nom de Santa Maria de Serrabona.

Jusqu'au XIVe siècle cette communauté était prospère, mais vers cette époque la vie au prieuré changea. Le confort devint le maître mot, chaque chanoine délaissant les locaux communs pour s'installer dans des cellules individuelles qui se trouvaient sur le versant Sud du prieuré. Les moeurs se relâchèrent, avec un épisode emblématique : En 1413 le chanoine Bernat Taillet fait amende honorable et promet de faire partir la femme qui vit avec lui.

Au XVe siècle l'instabilité militaire et politique de la région réduirent le nombre de chanoines. Il faut croire que la violence avait atteint l'intérieur de ces vénérables murs car on trouve une trace en 1448 du prieur Bernat Joer qui est déposé pour "crimes énormes". Son successeur exigea qu'il y ai au moins 7 chanoines à Serrabone, endiguant ainsi le dépeuplement du prieuré.

En 1592 le pape Clément VIII sécularise tous les prieurés augustins roussillonnais. Cet évènement majeur marqua la fin de l'indépendance de Serrabone qui fut rattaché au chapitre de Solsona, en Catalogne, le 19 juillet 1593. Peu à peu les moines quittèrent les murs de Serrabone, et en 1612 le dernier prieur de Serrabone Jaume Serra, par ailleurs recteur de l'église de Prades, est enterré au choeur du croisillon Sud du transept. Abandonné, l'édifice tomba en ruine. Une grande partie de la voûte centrale s'écroula.

Durant la révolution française, une curiosité fut à l'origine d'un désaccord entre la France et l'Espagne. En effet, Serrabone était toujours une dépendance de Solsona, ce qui fait que les deux édifices n'étaient pas du même pays. Or les révolutionnaires déclarèrent que les biens de l'Eglise faisait désormais partie du patrimoine de l'Etat. Ainsi furent vendus la majorité des édifices religieux qui n'étaient pas des églises, mais Serrabone fut seulement mis sous séquestre car il n'appartenait pas à l'Eglise française. Il fallut attendre le concordat en 1802 pour qu'il soit rendu à Solsona.

A la fin du XIXe, le prieuré est en ruine. C'est alors que Jaubert de Passa, grande figure locale, s'y intéresse. Il fit différentes actions pour élever à nouveau l'édifice. En 1836 un groupe de personnalités locales le consolide. Puis de 1906 à 1922 il fut restauré, et les aménagements défensifs furent détruits. La commune de Serrabone, qui s'était formée avec les maisons attenantes, fut supprimées en 1822.

Le prieuré de Serrabone appartient désormais au Conseil général des Pyrénées-Orientales depuis 1968.